samedi 18 mars 2023

La septième génération

                                   

Hunka Kagapi 

                        

Les Amérindiens sont des êtres silencieux : pour les comprendre, allez vers eux. 

Dix années de ma vie, Archie Fire Lame Deer m’enseignera la juste manière de vivre, et le respect des plantes cérémonielles. 

J’allais le rencontrer partout où il venait en Europe.

Ce matin de février 1993, Archie était chez moi pour cinq jours. Dans la cuisine où nous étions pour un petit déjeuner, il annonça, comme s’il parlait de la pluie et du beau temps :

 « J’ouvre une cérémonie pour toi avec le rite Hunka : l’apparentement ; sixième rituel donné par Pte-san Wi-yan, Femme Sacré Bison Blanc. Tu es ma sœur, je t’adopte : tu es ma famille, mon père est ton père, ma mère est ta mère : ce sont les grands-pères, et les grands-mères sacrées qui l’exigent. Tous ceux qui sont présents ici vont le voir. Je sais que tu es ma sœur, bien avant ce premier regard échangé à Grenoble. Dès que tu as franchi le seuil de la porte, j’ai su que c’était toi. Déjà, lorsque la porte de l’avion s’est ouverte, ton corps spirituel apparut : notre rencontre était imminente, je savais que tu serais là. »

En un instant, au premier regard, il m’a reconnu : je suis sa sœur. Pour lui le choc a été rude, et pour moi donc ! Son fils John était là, lui aussi le savait. Officiellement, devant témoins, il m’adoptait en cérémonie Hunka Kagapi. Archie Fire Lame Deer me consacrait rituellement mon nom cérémoniel, et me donna ce chant qu’il avait reçu pour moi. 

Il dressa deux feux à l’identique au centre du cercle consacré pour le feu, puis déclara : « toi et moi nous sommes le même Feu. Aujourd’hui je te consacre ce nom très ancien. Il y a longtemps qu’il n’a pas été reçu ; tu es la septième génération. » Un homme cérémoniel est nommé plusieurs fois. Ce matin-là il se nomma du premier nom sacré qu’il reçut de sa mère, le jour de sa naissance. Elle lui donna la vie pendant une cérémonie Inipi, et le nomma comme tel. 

Par cette cérémonie, il ouvrait le secret autour de ma naissance. Il m’adoptait : je devenais sa sœur. Il me relia à la cérémonie Inipi du jour de sa naissance. Il a construit le feu comme jamais auparavant. Il dressa deux autels identiques au centre du cercle consacré pour le feu. Il dressa deux Canupa dans la hutte, en disant : « devant ces deux Canupa je ne peux pas mentir. Nous sommes le même soleil, masculin et féminin, frère et sœur. Toi et moi nous sommes le même Feu ; aujourd’hui je te nomme Wi cha'pi luta Wi. La racine de la lignée du nom est très ancienne. Depuis plus de quatre générations, il n’a pas été reçu par une femme. Ce nom est double, il désigne aussi le gardien des condors. Ta nature spirituelle elle aussi est double : tu es protégée par le Pouvoir de l’Ouest et celui du Sud. Le Pouvoir de l’Ouest est redoutable, c’est le clown sacré qui provoque le rire. Le Pouvoir du Sud, qui est aussi nommé Loge Arc-en-ciel, il concerne le pouvoir de la femme, et son obligation de protéger les enfants. 

Avec le pouvoir du Sud il y a aussi la connaissance de la magie curative des plantes, et les secrets de l’eau. Ces pouvoirs sont sans fixité, ils accompagnent l’esquive. Le pouvoir du Nord concerne les générations futures, et celui de l’Est, la Lumière toujours vainqueur. » 

Les rubans rouges 

Auparavant, alors que nous étions en Suisse, Archie avait construit une deuxième hutte avec douze perches de saule, érigées à côté de la hutte de seize perches. Il lia chacune des intersections avec des rubans rouges, et il déclara : « Nous construisons cette hutte lorsque deux vieux amis se retrouvent pour faire la paix ». 

Il est entré dans la hutte à seize perches pour verser l’eau, et il me demanda de servir l’eau pour les femmes dans la hutte rouge.
Plus tard, lors d’un séminaire où tous les coordinateurs pour l’Europe se retrouvaient, il nous parla des étoiles. « L’origine sacrée de notre peuple vient des Pléiades. Lorsque notre corps est attrapé par sa mort nous allons dans la Voie Lactée. Là nous rencontrons trois grands-mères sacrées. Elles regardent l’écriture sacrée, la marque indélébile sur notre poignet, alors elles nous laissent rejoindre les terres de nos ancêtres. » 

Un autre jour en Autriche, il me dira : « lorsque la vie t’oppresse, va sur la montagne et lâche un cri puissant, un seul : offre la fumée de l’herbe douce, le parfum du cèdre et la sauge. » 

              https://inipiwakan.monsite-orange.fr


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